Plateau du Jorat
Les poètes de la pierre
De Chapelle à Corrençon, « Les Compagnons de la pierre sèche »,
résidents à la fondation Saint-Georges à Yverdon, construisent
des murs. Depuis plus de vingt ans, ils trient, taillent et
placent dans un ordre parfait les pierres à la satisfaction des
clients. Un rôle à la mesure de leur engagement, de leurs
compétences et de leur sensibilité. Un travail d’équipe sur fond
social pour des adultes en situation de handicap.
« Le mot formation n’est pas vain, c’est le printemps de
l’âme »
Nous nous retrouvons un samedi matin au cœur du village de
Chapelle-sur-Moudon. Ils arrivent dans un petit bus le sourire
aux lèvres et de la fierté au coin de l’œil. Le mur qui nous
fait face est leur œuvre. Ces bâtisseurs sont les témoins
vivants d’un art ancestral qui se transmet entre les lignes. La
poésie de la pierre et de la terre pour donner une base à la
réflexion et une perspective d’avenir à la différence.
Frédéric, Christian, Arnaud et Arnaud sont accompagnés de
Thierry Carbonell, responsable du groupe. Les compagnons aiment
cette vie dans la nature. Ils ont suivi une formation qui leur
permet de travailler hors du cadre de l’Institution. « Notre
travail est reconnu. Souvent des personnes s’arrêtent et nous
posent des questions. Un échange précieux. Je sais que nous
sommes nés sous une bonne étoile. Elle est avec nous et nous
donne des forces », raconte Christian.
Ces hommes ont l’enthousiasme contagieux. Affronter la
différence, intégrer l’handicap à notre société et faire pacte
avec la vie professionnelle n’a rien d’utopique. Thierry
Carbonell, éducateur spécialisé à la fondation Saint-Georges, a
créé « Les « Compagnons de la pierre sèche » il y a plus de
vingt ans. Originaire des Cévennes, il transmet ce savoir-faire
avec amour et talent. « C’est auprès de bergers de Provence que
j’ai appris la technique de la pierre sèche. J’adore la Suisse
et travailler avec les Compagnons permet de remettre sur les
rails de la vie des hommes qui vivent de leur travail en
personne responsable et fière ».
A y regarder de près, ces murs ne se ressemblent pas. Chaque
pierre a un visage et disposée selon sa forme elle donne à
l’ensemble rythme et lumière. Un lézard se faufile dans un
interstice, un papillon se pose en toute tranquillité sur une
fleur, le miracle de la vie prend possession des lieux.
Avant de nous quitter nous partageons une boisson
rafraichissante sur une terrasse. Frédéric se plonge dans une
revue, Arnaud et Arnaud parlent projet, demain d’autres pierres,
une joie sur leur visage. Christian raconte ses dix-huit
chantiers et ses expériences. Thierry songe à son prochain
livre.
Mes princes du caillou, comme des anges nomades, vous veillez
sur notre espace et nos traditions. Nulle différence en nos
cœurs, seule la reconnaissance, assise là, au coin du mur
Dany Schaer
Paru
dans l’Echo du Gros-de-Vaud, août 2010
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