Goumoens-la-Ville
Gisèle Bezençon et son taillé sous la couette
Marquée du goût d’un gâteau moelleux, Gisèle Bezençon se
souvient de la naissance de cette fête villageoise organisée en
1999 autour d’une tradition culinaire menacée de disparition.
Brillamment mis en valeur par les « Grands-mamans du village »,
le taillé de Goumoens devient alors célèbre bien au-delà de son
coin de campagne du Gros-de-Vaud.
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A l’époque, le taillé se faisait pour les grandes occasions.
Tout le monde ou presque avait des vaches et de la crème au
village et la recette était transmise de mère en fille. « On
préparait la pâte et ensuite elle devait lever durant deux
heures. La coutume voulait qu’elle soit glissée sous la couette,
bien au chaud, à l’abri des courants d’air. A la cuisine mise
sous une couverture il y avait toujours le risque que l’un des
chats se couche dessus », raconte Gisèle en riant. Chaque
grand-maman avait sa façon de faire mais la taille des
croisillons et la double crème étalée en deux étapes restent les
gestes immuables. Cette première fête a été une réussite bien
au-delà des espérances et ensuite il a fallu accompagner les
pionnières et créer une véritable brigade du taillé.
Même si maintenant Gisèle Bezençon passe la main elle reste
attachée à tout ce qui touche aux traditions. «Depuis toute
jeune j’ai participé aux travaux de la ferme. Je conduisais même
le tracteur, mon papa ne conduisait pas. Quand j’ai voulu
apprendre coiffeuse il a dit non et de même lorsque j’ai voulu
partir en Suisse allemande. J’ai donc fait l’Ecole d’agriculture
de Marcelin ».
Et les loisirs ? « Je ne savais pas danser alors avant le jour
de l’Abbaye de 1948 j’ai demandé à Robert de m’apprendre. Je
suis devenue l’élève de mon futur mari. On a gagné le 1er prix
de la valse, du tango et de la valse anglaise. C’était
magnifique et on a toujours aimé danser ».
Les souvenirs reviennent alors que Poupette, la chatte de 16
ans, vient de rentrer et nous regarde les moustaches en éveil.
«A côté de mon ménage et ma famille, nous avions trois enfants,
j’ai travaillé aussi à l’EMS du Château pendant 15 ans, jusqu’à
la retraite et après encore 10 ans comme bénévole. Je lisais le
journal aux résidents et j’étais accompagnatrice pour les
sorties ». Et le secrétariat des Paysannes Vaudoises ? «J’ai
arrêté après 18 ans, mais je suis encore des cours de cuisine et
je note des recettes que j’entends à la télévision. Pour mon
petit-fils Cyril je lui prépare ses confitures, lui fais ses
tabliers et jusqu’en 2011 je faisais partie de la Brigade du
Taillé tous les deux ans. «Renouveler l’équipe du taillé a aussi
permis d’intégrer les nouveaux habitants et les mettre en
relation avec les grands-mamans du village. Ainsi la tradition a
une chance de rester vivante».
On retrouve dans les propos de cette active grand-maman un
mélange d’humour, de passion pour cet endroit qui l’a vu naître,
de force face à l’adversité, de modestie aussi. Gisèle Bezençon
nous apprend à explorer cet état de grâce qui consiste à laisser
tomber le futile. Devant une tasse de café et un bricelet j’ai
le sentiment d’avoir beaucoup de chance de croiser sa route.
Dany Schaer
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