Le Japon pleure en silence
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Je veux croire que le Japon se relèvera de ses cendres |
Yuriko Prod’hom, une vie entre Japon et Suisse. Après le choc
face à l’ampleur de la tragédie, la confiance en l’homme et son
extraordinaire faculté de surmonter les pires événements. La
jeune femme attend parce que l’on ne peut rien faire d’autre.
Ses parents vivent à Tokyo, l’inimaginable passe en boucle sur
tous les écrans du monde et l’écriture noircit les pages des
journaux.
Un quai de gare, notre rencontre est prévue un dimanche matin.
Cheveux courts, silhouette fine, presque juvénile, Yuriko d’un
regard me rassure, un espace intemporel où les mots restent
blottis comme devenus inutiles. Un tremblement de terre, un
tsunami et la menace nucléaire, l’inimaginable a bien eu lieu.
Enveloppé dans ce séisme de l’âme le Japon se lève et vit.
Yuriko me sourit et brasse son thé. Fukushima fume et cache ses
irradiés.
Un tel gâchis et pourtant tant de force dans la société
japonaise, tant de calme et de discipline, comment est-ce
possible ?
Face à une catastrophe extrême dont finalement personne ne
connait l’évolution le peuple ne peut prendre aucune décision.
Après la dernière guerre, le Japon a vécu une période très
difficile et il s’est construit sur un modèle sécurisant de
haute technologie au sein d’une société bien organisée. Peu de
criminalité, un niveau de vie en progression, le développement
économique et l’éternel modèle américain dont rêvent tous les
jeunes. La population a eu confiance en ses cerveaux et la mise
en place des technologies qui ont permis le développement et
l’indépendance du pays. Malgré la situation, les japonais
mangent, se déplacent, travaillent. Il y a une sorte de
fatalisme qui permet de maintenir le calme.
Le peuple japonais ne montre pas ses émotions, ce qui
explique peut-être les larmes silencieuses mais y-a-t-il de la
révolte contre le gouvernement et les responsables des centrales
nucléaires?
Il est difficile de parler de l’inacceptable. Une vague de trop,
énorme, si haute qu’elle balaye tout et anéantit les espoirs,
les ambitions, l’avenir. L’attente devient le refuge avec
l’inquiétude au ventre. Comment vivra le Japon demain ? Personne
ne le sait et les jeunes ne connaissent que ce fantastique essor
économique. Ils devront tout remettre en question avec le
spectre nucléaire. Nous devons accepter que la nature soit plus
forte que l’homme et qu’elle peut en une minute faire basculer
toutes nos certitudes.
Le Japon devra faire face au boycott de ses produits,
déplacer des populations, utiliser d’autres énergies, quel sera
le Japon de demain ?
Sans doute que plus aucune centrale nucléaire ne sera
construite mais la créativité des japonais permet tous les
espoirs. Ils trouveront j’en suis certaine de nouvelles
énergies, comme la force des vagues, l’énergie solaire mais
avant tout les économies d’énergie. On peut très bien vivre avec
beaucoup moins.
Ne sommes-nous pas trop ambitieux finalement ?
C’est dans la nature de l’homme. Les japonais adorent
surmonter les difficultés, défier les éléments. Ils ont pris
conscience que la technologie leur facilite la vie. Alors avec
le temps je pense que l’on oubliera et on repartira dans de
nouveaux défis.
Le Japon sera-t-il une nouvelle référence pour l’avenir ?
Leadership peut-être. Aucune centrale ne sera plus
construite dans le monde sans penser à Fukushima et la
créativité des japonais pourrait être un nouveau modèle de
société.
Vous comptez retourner bientôt au Japon ?
Mes parents vivent à Tokyo, je suis fille unique. Je
travaille pour une firme japonaise en Suisse et je retournerai
naturellement. Même si mes parents disent : « Nous, nous sommes
vieux mais toi tu dois te protéger ainsi que tes enfants. Ici
personne ne sait exactement ce qui se passe dans la centrale ».
Avant de nous quitter Yuriko ajoute simplement : « Le charme du
Japon c’est la culture des extrêmes. La tradition et la
modernité font bon ménage. Nous fêterons Nouvel An comme ici
Noël. Sans doute avec moins d’achats excessifs mais avec la
confiance dans l’homme et son extraordinaire faculté de se
redresser des pires catastrophes ».
En bref
Yuriko Prod’hom est venue en Suisse en 1984. Elle se marie
avec un lausannois et a deux enfants. Aujourd’hui divorcée,
elle travaille pour une compagnie japonaise dans un
département de Propriété intellectuelle. Des amis communs
habitant dans la région du Gros-de-Vaud nous ont permis
cette rencontre. Yuriko veut dire fleur de lys. |
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Dany Schaer |
Paru dans l’Echo du Gros-de-Vaud
et le Journal de Moudon |
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