Ropraz – L’Estrée

Pierre-Alain Morel rythme la vie
 

L’Estrée expose les peintures et sculptures de l’artiste fribourgeois Pierre-Alain Morel. Des peintures abstraites travaillées à l’acryl et au sable. Des grands formats pour la plupart voisinent les sculptures de bois clair. Un accrochage qui met en évidence deux faces de l’artiste. L’une vide le tronc de son essence et lui donne vie dans une exploration de la matière l’autre comme un jet inépuisable définit la toile. A la limite de l’accident, la trace rouge échappe et s’étire, ultime liberté du pinceau.

« Je n’aime pas la mollesse », Pierre-Alain Morel

L’artiste vient d’entrer un café à la main. Entre deux étages avec vue sur l’ensemble de l’exposition nous nous asseyons sur les marches d’escaliers. Alors que la galerie n’est pas encore ouverte le calme ambiant est propice à l’écoute du bois et du sable, du trait et des rondeurs, des couleurs et de l’ombre qui se faufilent entre nous.

Sursaut de deux mondes qui se croisent et se jouxtent, les œuvres de Pierre-Alain Morel interpellent et rassurent. Les peintures, traces de couleurs vives suspendues comme en équilibre fragile donnent un rythme à l’exposition. On se surprend à suivre l’artiste dans la quête de ce langage personnel à apprivoiser. «L’art abstrait offre une liberté totale et la possibilité de tout faire. L’identification de la scène devient alors émotionnelle. Le filtre que l’on s’applique à suivre au fil des découvertes m’intéresse. Sortir des repères habituels et se confronter au regard de l’Autre. Une exposition est une rencontre indirecte ».

Qu’est-ce que l’on attend d’une œuvre ? « Chaque création est un investissement de soi important. Je traverse des moments difficiles à chaque premier coup de pinceau. L’imprévu, l’accident, le trait qui dérape que je rattrape pour le reperdre peut-être. L’exigence totale n’est en fait qu’une évolution permanente ». L’art abstrait, une fenêtre ouverte d’où s’échappe le soi? Pierre-Alain Morel ne donne aucun titre ni à ses toiles ni à ses sculptures. Ne pas orienter est une liberté, un don à l’imaginaire.

A gauche, une crevette en épicéa, à droite un tronc creusé, à l’odeur de peuplier. De ces arbres abattus quelque part dans la plaine de la Broye, l’artiste parle de cette douce vigueur de la matière : «Ce n’est plus ce qu’ils contiennent qui m’intéresse, mais ce qu’ils sont, ce dont ils parlent. L’eau que le bois contient, celle qui glisse sous la chaîne ; de cette violence de la machine qui arrache la fibre ; du rythme du maillet qui frappe le ciseau et taille. Cette décision de la main, ce philtre du travail inutile et vital qui donne à sens, juste de se sentir être. La forme contient comme un mystérieux écho, pour chaque regard, différent» (extrait).
 

Exposition jusqu’au 28 janvier 2013 tous les jours de 14h à 19h sauf le mardi.
Fondation L’Estrée, rte Bourg-dessous 5, Ropraz. fondationestree.ch; tél 021 903 11 73

Dany Schaer