Ropraz - Estrée
Sur les traces de deux artistes
"Un
poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves.
Seules les traces font rêver"
René Char
Renée-Paule Danthine et Anna Sutter se rejoignent le temps d’une
exposition à L’Estrée. L’une trouve son chemin sur la feuille de
papier, l’autre dans les pierres tendres. La richesse de
l’expérience devient pulsion créatrice. Un corps à corps fait de
ruptures, de fractures, de transitions et de contrastes. Un
parcours à la recherche de l’équilibre entre harmonie et
continuité.

Tableau de Renée-Paule Danthine |

Sculpture de Anna Sutter |
Les tableaux de Renée-Paule Danthine nous emmènent au-delà des
êtres. Une brèche dans la muraille du monde. Les photos jaunies
d’un autre temps auxquelles l’écriture répond quelques mots à la
plume. Ainsi nulle espérance n’est détruite, le froid de
l’absence surgit sur une chaise vide, l’imaginaire redonne vie
au passé. Au coin d’un cadre les visages flous défilent, la
griffure du temps comme un poème déposé en ultime message aux
disparus. L’image, tyrannie du visible, passe d’une chose à
l’autre ignorant la sensibilité qui sépare les absents des
présents.
Initiée aux techniques de la gravure sur bois par l’artiste
japonais Ansei Uchima, Renée-Paule Danthine garde un amour du
papier « qui vit et qui bouge », ce qui lui fait préférer les
média appropriés à ce support : mélange d’aquarelles, de
pastels, de caséine et de collages. Elle utilise aussi une
technique, huile-cire-pigments sur papier ultérieurement
marouflé sur toile.
Anna Sutter est fascinée par les formes, les volumes, la
matière, les pierres. Elle ose s’aventurer sur le terrain de la
sculpture et divers stages ont ainsi aiguisé son sens des
rapports spatiaux et celui du jeu des énergies caractérisant
tout processus de création et aussi le goût de l’improvisation.
Son coup de foudre pour les pierres tendres que sont la stéatite
et l’albâtre est arrivé lors de cours suivis sous la conduite de
Nathalie Delhaye, sculptrice. Depuis elle travaille ces matières
dans une démarche largement autodidacte.
L’artiste apprivoise au cours de longues heures d’intimité, le
fragment de matière initial. Un travail sous-tendu par
l’émerveillement au contact de la pierre qui se révèle
progressivement dans sa texture, dans le dessin de ses veines et
au fil du ponçage dans ses teintes, son grain et ses lumières.
La pierre séduit l’œil et la main, elle appelle les caresses.
Anna Sutter se fait à l’idée de devoir, un jour, se séparer de
ce témoin d’un parcours de vie durant le lequel il n’y a pas que
la pierre qui s’est transformée. Une trace vers le soleil
levant, invisible et si présente.
Dany Schaer
Paru dans le Journal de Moudon, octobre 2009
www.estree.ch
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